Végétation aquatique et peuplement pisciaire : approche expérimentale de l'enlèvement des macrophytes dans les radiers d'un cours d'eau breton

Aquatic plant and fish assemblage: a macrophyte removal experiment in stream riffle habitats in a lowland salmonid river (Brittany, France)

¹ Institut National de la Recherche Agronomique, Laboratoire d'Écologie Aquatique, 65 rue de Saint-Brieuc, 35042 Rennes Cedex, France.
² Ecole Nationale Supérieure Agronomique de Rennes, Laboratoire d'Écologie et Sciences Phytosanitaires, 65 rue de Saint-Brieuc, 35042 Rennes Cedex, France.

Résumé

L'influence du recouvrement végétal des radiers d'une rivière à saumon de Bretagne (le Scorff) sur les préférences d'habitat de son peuplement pisciaire a été étudiée durant deux années consécutives. Sur deux radiers de 600 et 800 m² fortement végétalisés (plus de 70 % de recouvrement), l'expérimentation in situ a consisté à enlever les macrophytes sur la moitié de la surface de chaque radier (du centre du chenal jusqu'à la rive). Les conséquences mésologiques de l'enlèvement des végétaux ont surtout consisté en une forte augmentation des vitesses de courant (60 % en moyenne) dans les habitats où les végétaux avaient été arrachés. Les résultats des pêches électriques réalisées un mois après l'enlèvement des macrophytes (mois de juin) ont mis en évidence des biomasses et des densités plus faibles dans les habitats sans végétaux. Les mêmes espèces étaient présentes dans les deux types d'habitat, mais les juvéniles de saumon atlantique {Salmo salar L.) étaient en moyenne deux fois plus nombreux dans les habitats sans végétaux (30 ind.100 m²) qu'avec végétaux (15 ind.100 m²). Par contre, les densités de loches (Barbatula barbatula L.) et de vairons (Phoxinus phoxinus L.) étaient en moyenne de 47 ind.100 m² dans les habitats végétalisés, c'est-à-dire 2 à 4 fois plus fortes que dans les habitats sans végétaux. Les résultats indiquent que le développement saisonnier des macrophytes est un important facteur structurant de l'habitat pisciaire dans les rivières du Massif Armoricain et suggèrent une diminution de la capacité d'accueil des radiers en juvéniles de saumon au printemps lors de la pousse des végétaux.

Abstract

The effect of aquatic weed development on fish habitat preferences was studied during a two-year in situ experiment in lotic habitats of the Scorff river (Brittany, France). In the two riffles studied (800 and 600 m²), macrophytes (essentially Ranunculus penicillatus) covered more than 70% of the total surface area during the growing season in spring. In May, macrophytes were removed from one stream bank to the center of the riverbed (in each riffle) in order to create habitat without aquatic vegetation. The main effect of macrophyte removal on the physical habitat variables was an increase in water velocity (60 % on average). One month later, electrofishing surveys showed greater fish biomass and higher densities in vegetated habitats. The same species were present in both habitat types but density in Atlantic salmon parr (Salmo salar L.) was higher in habitats without macrophytes (30 ind.100 m² on average) than in vegetated habitats (15 ind.100 m² on average). Conversely, stone loach (Barbatula barbatula L.) and European minnow (Phoxinus phoxinus L.) densities were 47 ind.100 m² on average in vegetated habitats, i.e. two to four times greater than in habitats without vegetation. The results point out that macrophytes can change drastically habitat conditions and suggest a decrease in the carrying capacity of riffles for age-0 salmon parr.